Un Anthropologue dans Ma Famille : Entretien avec Elsa Ramos

Interview Elsa Ramos

Dans cette interview exclusive, nous avons le plaisir d’échanger avec Elsa Ramos, maître de conférences à l’Université Paris Cité et chercheure au CERLIS (Centre de recherche sur les liens sociaux). Son travail, explorant des thèmes tels que la famille, la jeunesse et les migrations, s’étend à divers contextes culturels comme la France, le Brésil et le Sénégal. 

Auteur du livre Un anthropologue dans ma famille, elle partage avec nous son regard éclairé sur l'importance de préserver l'histoire familiale, les liens intergénérationnels et le rôle des outils numériques comme Remembr dans la transmission de la mémoire familiale.

 

Remembr : Qu’est-ce qui vous a inspiré à écrire Un anthropologue dans ma famille ? 

E. Ramos : Après des années de recherche sur la famille et plus précisément sur les relations parents/enfants à des âges différents et aussi sur les origines familiales, je trouve qu’il est important et intéressant de donner accès à un large public aux outils utilisés en recherche en sciences humaines et sociales et aussi à certaines connaissances de ce domaine.

Remembr : Pourquoi, selon vous, est-il important de préserver l’histoire de sa famille ?

E. Ramos : Préserver l’histoire familiale c’est tout d’abord garder des traces des membres de la famille, des événements qu’ils ont traversés et de leur vécu, qu’on les ait connus ou pas. Faire l’histoire de sa famille c’est aussi se définir comme témoin et observateur et aller à la rencontre de ceux qui sont dépositaire d’une certaine connaissance, grands-parents mais aussi parents, oncles, cousins, etc.

E. Ramos : Aller à leur rencontre amène à avoir des relations différentes, ce qui signifie qu’on travaille sur le passé mais aussi sur le présent. Par ailleurs, une enquête sur l’histoire familiale peut amener à faire appel à plusieurs personnes et donc à réaliser une histoire à plusieurs voix. De ce fait, les liens peuvent évoluer et parfois se resserrer.

Remembr : Pour ceux qui n’ont jamais exploré leur histoire familiale, par où commencer ?

E. Ramos : Très simplement, il faut commencer par en discuter avec la personne qui sera le principal informateur : « J’aimerais bien que tu m’aides à faire l’histoire de la famille, pourrais-tu me raconter des souvenirs et me montrer des objets ou des photos de tes parents ou de tes grands- parents ? » Et ajouter : « Cela ne te dérange pas que j’enregistre ? Cela me permettrait de bien garder tout ce que tu dis… »

E. Ramos : La suite est histoire d’organisation : un carnet dans lequel sont consignées les informations et les réflexions, le rétroplanning avec différentes tâches, l’organisation d’autres entretiens, etc. Dans l’ouvrage, je décris tous ces aspects de l’enquête et bien d’autres. Et j’attire aussi l’attention sur les précautions à prendre, en famille tout n’est pas bon à dire et à déterrer.

Remembr : Comment les souvenirs de famille contribuent-ils à renforcer les liens entre générations ?

E. Ramos : Faire l’enquête va amener à discuter avec son grand-parent, ou le parent ou les personnes auprès desquelles on va à la recherche d’informations. Cette démarche va travailler les relations au présent. On a être amené à voir plus souvent certains membres de la famille et à les voir différemment.

E. Ramos : Par ailleurs, la personne qui fait l’enquête sort de son rôle de membre de la famille pour devenir un interlocuteur et il en est de même pour le grand-parent. Le grand-parent n’est pas seulement un membre de la famille mais aussi un individu. Cet individu la plupart du temps est un inconnu pour soi.

Remembr : Quel regard portez-vous sur des outils comme Remembr, qui facilitent la collecte et le partage de souvenirs familiaux ?

E. Ramos : C’est un outil qui permet en quelque sorte de faire une histoire collaborative et de donner la possibilité de l’amplitude et de l’immédiateté. Amplitude, parce que chacun peut y déposer les documents dont il dispose, sans oublier que ce qu’il partage peut également donner des idées aux autres.

E. Ramos : Et immédiateté, parce qu’il n’y a pas de délai entre la mise en ligne et l’accessibilité, ce qui est important dans une époque où tout va vite. Cependant, dans cette accélération du temps, le coffre-fort peut constituer un ancrage identitaire pour les membres de la famille et les individus de la famille...

Remembr : Dans un monde de plus en plus digitalisé, pensez-vous que ces outils contribuent à renforcer les liens familiaux entre les générations ?

E. Ramos : Le numérique peut être un outil intéressant pour aider à faire une enquête de famille et il peut tout à fait être complémentaire. Après, il ne remplace pas la relation humaine et affective qui est mise au centre de cet ouvrage mais il peut la générer.

Remembr : Selon vous, qu’est-ce que le lecteur peut tirer de Un anthropologue dans ma famille pour enrichir sa propre histoire ?

E. Ramos : Savoir qui l’on est, c’est savoir d’où l’on vient. C’est une phrase qui m’a été maintes fois répétée quand j’ai travaillé sur la question des origines. Ce qui signifie que l’histoire personnelle est ancrée en partie dans l’histoire familiale, pour le meilleur et parfois aussi pour le pire, ne l’oublions pas, toutes les histoires de famille ne sont pas heureuses.

E. Ramos : Aussi faire l’enquête sur sa famille amène à contextualiser certains pans de l’histoire personnelle dans des événement de l’histoire familiale et à réfléchir à ses relations et à sa place dans la famille.

Remembr : À ceux qui hésitent encore à se lancer dans la recherche de leurs racines, que diriez-vous ?   

E. Ramos : Je ne parlerai pas de racines, tout le monde n’est pas enraciné, mais faire l’histoire de la famille c’est se donner la possibilité de réfléchir à son existence sur une temporalité longue, celle du passé avec son lot d’ancêtres inconnus mais aussi de disparus qui restent chers à notre cœur et aussi au futur, aux descendants et à leurs propres descendants. Et faire l’histoire du passé et de l’avenir, c’est surtout travailler son présent personnel.

E. Ramos : J'ajouterai que les personnes qui le souhaitent peuvent me contacter et m'envoyer leur histoire de famille, leurs enquêtes pouvant m'aider dans mes travaux de recherche sur la famille. 

 

  • Contacter E. Ramos : elsa.ramos@u-paris.fr 
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Crédits photos : J-b Russel